Potentiel candidat à la présidentielle de
2021, Philipe Aboumon est intervenu, ce week-end en marge de la célébration de
l’an 60 de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale qui marque
également sa rentrée politique. Il relève des maux sociopolitiques
attentatoires à la démocratie béninoise, faisant en conséquence, allusion à la
Lépi qui “… en l’état, n’est pas gage de transparence “ et au code électoral,
synonyme “(des) exclusions qui font le lit aux violences “. Au président de la
République, il indique qu’“il est encore temps pour bien faire“, proposant que
“le Bénin parle au Bénin“ avec la mention, “il nous faut agir ici et
maintenant, si nous voulons avancer “.
« Béninoises, Béninois,
Encore quelques
heures et nous célébrerons ensemble, le 1er août 2020. La
célébration cette année de notre fête nationale est chargée de symbolisme et
d’émotion. Contrairement aux éditions précédentes avec son lot de festivités et
de parades, la présente édition sera marquée par une sobriété et une retenue
contraintes par la pandémie de la COVID-19.
En effet, les
premiers mois de cette année 2020 ont été particulièrement éprouvants pour le
monde entier. La maladie au coronavirus, née à la fin de 2019 en Chine s’est
par la suite répandue comme une trainée de poudre dans tous les continents.
Avec aujourd’hui près de 13 millions de personnes contaminées dans le monde et
plus de 500 000 morts, la pandémie de la COVID-19 a remis en cause nos
certitudes et révélé la fragilité de l’équilibre du monde.
Notre pays le Bénin
quant à lui, traverse en ce moment une période délicate. Les cas de
contamination augmentent et le nombre de morts ne cesse de grimper. Je saisis
cette occasion pour saluer avec beaucoup de respect, la mémoire de nos frères
et sœurs qui ont perdu la vie à cause de cette terrible maladie qui continue de
faire des ravages à travers le monde. Notre pays n’est pas encore à l’abri.
L’heure est à la vigilance.
Je voudrais saluer
ici le courage de nos médecins, infirmiers et autres praticiens hospitaliers
qui, au prix de leur propre vie, luttent à sauver des vies. La Nation vous
témoigne sa reconnaissance pour vos sacrifices énormes. À ceux qui sont touchés
par le virus, je souhaite un prompt rétablissement. À toute la population,
j’exhorte à la prudence et au respect des mesures barrières. Ensemble, nous
vaincrons la maladie.
En dépit de tout
ceci, je voudrais avec vous tous, reconnaître la grâce de Dieu en toute chose,
et lui rendre gloire pour ses œuvres merveilleuses à l’endroit de notre beau
pays le Bénin. À vous tous, Béninoises et Béninois, j’adresse mes vœux les plus
chaleureux de bonne fête de l’Indépendance. Nous saluons avec déférence, la
mémoire de nos pères qui ont jeté les bases de cette jeune République que nous
aimons tous d’un amour particulier. Nous avons une pieuse pensée aux anciens
Présidents Hubert K MAGA, Sourou MIGAN APITHY, Justin Tomètin AHOMADEGBE.
Aux dignes fils et
filles de ce pays, de tous âges, de toutes conditions, à toutes les Forces
Vives de la Nation, qui ont lutté parfois au prix du sacrifice suprême pour
arracher la liberté, nous témoignons notre reconnaissance. Puisse cette fête de
l’Indépendance, la soixantième, être l’amorce d’un nouvel espoir pour notre
cher pays qui traverse actuellement des moments difficiles.
Mes chers compatriotes,
Il y a de cela dix
ans, le 1er août 2010, notre pays célébrait avec ferveur et
espérance son cinquantenaire. Cette fête du cinquantenaire était l’occasion
pour nous de faire notre bilan introspectif pour voir le chemin parcouru.
C’était aussi l’occasion de nous projeter en avant pour voir où, nous voulions
aller.
Dans ce travail
d’introspection, nous avons pu nous rendre compte que notre pays a beaucoup
balbutié à l’instar de la majorité des pays Africains; il a beaucoup
titubé. Notre histoire au lendemain des indépendances a été parsemée
d’instabilités politiques. Ces instabilités ont fragilisé la vie démocratique
de la jeune République qui venait de naître. Mais nous ne sommes pas tombés.
Nous avons su démontrer que nous étions un grand peuple, riche de sa diversité
et de sa complémentarité. Nous avons surtout démontré que le peuple béninois
est un peuple épris de paix et attaché à une tradition démocratique. Nous avons
ainsi réussi depuis l’historique Conférence Nationale des Forces Vives de
février 1990 à instaurer un modèle de démocratie parmi les plus exemplaires en
Afrique. Comment donc, ne pas saluer le génie de ce peuple fier et résilient,
qui sait si bien transcender ses difficultés et faire face à son destin, ce
grand peuple qui ploie, mais ne rompt jamais !
Dix ans après,
l’heure est venue de faire le bilan. Que reste-t-il de tout l’espoir suscité
par les réflexions de notre cinquantenaire ? Quel chemin sommes-nous
engagés actuellement ? Où allons-nous avec un attelage si précaire tel que
nous le constatons aujourd’hui ?
Béninoises, Béninois,
L’heure est
grave ! Nos espoirs se sont évaporés. Dix ans après, le chemin parcouru
est mitigé. Ce chemin apparaît encore plus catastrophique depuis 2016 où, notre
cher pays a changé de gouvernance dans une ferveur qui était révélatrice de la
soif inextinguible du peuple à un mieux-être. Chers compatriotes de l’intérieur
comme de l’extérieur, le Bénin va mal !
L’espoir suscité
par l’avènement de “la rupture“ a duré le temps d’un feu de paille. Le pays n’a
pas seulement cessé d’avancer. Ayons le courage de le dire ! Nous avons
reculé. Notre édifice démocratique est en ruine. Depuis 2016, le pays a été
soumis à des assauts multiples qui ont mis à mal notre paix, notre liberté et
notre vivre-ensemble. Les libertés d’expression ont été dangereusement
restreintes. Les fils et filles de ce pays sont traqués, contraints à l’exil ou
emprisonnés. Pour la première fois dans l’histoire de notre jeune et riche
parcours démocratique, des élections ont été organisées en excluant une grande
partie de la population, en supprimant la compétition par l’entremise de lois
habiles et visiblement taillées sur mesure.
La parodie
d’élection législative du 28 avril 2019 a été couronnée de tuerie des citoyens
sur l’ensemble du territoire national. C’est le lieu ici de nous incliner
devant la mémoire de ces dignes fils de la Nation. À toutes les familles qui
ont été endeuillées par ces malheureux événements, nous présentons nos sincères
condoléances. Malheureusement, nous continuons de trainer les conséquences de
cette grave crise électorale qui a brisé la cohésion nationale. Le pays en est
sorti divisé, meurtri et affaibli. Les dernières élections communales du 17 mai
2020 n’ont pas fait mieux. Il y a clairement un désaveu de la gouvernance
actuelle en témoigne les faibles taux de participation aux différentes
élections qui jadis, étaient des fêtes populaires.
Sur le plan
économique, les prouesses chantées par nos gouvernants ne sont visibles que sur
le papier. Le peuple assiste médusé à une invasion de tous les secteurs vitaux
du pays. Les pans entiers de l’économie sont confisqués. Les emprunts sur le
marché financier se sont accumulés à un rythme exponentiel alourdissant la
dette du pays, tout ceci sans contrepartie visible dans l’amélioration de la
vie des populations. Pendant ce temps, les taxes ont été démultipliées. Les
réformes menées souvent de façon solitaire et sans préparation aucune
n’impactent que de façon incertaine, la vie quotidienne des populations.
Sur le plan
social, nos populations sont à la peine. La misère est ambiante et les
populations ne mangent plus à leur faim. Pendant combien de temps encore
devrons-nous attendre cette marmite qui dure depuis quatre ans sur le
feu ?
Béninoises, Béninois,
Je sais combien
vous êtes meurtris !
Je sais combien
vous souffrez dans votre chair !
Je partage vos
légitimes appréhensions de notre lendemain proche et lointain. Le doute s’est
installé dans nos esprits. J’entends le grondement sourd d’un peuple qui n’en
peut plus. Je vois nos jeunes et nos femmes totalement désemparés.
Mes amis de l’intérieur comme de l’extérieur
du pays,
Nous sommes en
crise. Mais ces crises ont réveillé quelque chose en chacun. Je vois en vous
cette flamme d’un espoir nouveau qui jaillit de vos cœurs. Je vois en vous
cette soif de rebâtir. Je vois en vous le désir de vous relever pour que le
pays ne sombre pas.
Je partage cette
conviction avec vous que c’est en affrontant courageusement notre réalité
actuelle que nous pourrons retrouver les chemins de l’espérance. Ce défi
nouveau qui nous tend les bras appelle le courage et l’engagement de chacun. Le
courage de tourner dos à un système qui a largement montré ses limites et
l’engagement de porter le Bénin avec de nouvelles énergies. Si nous voulons
avancer, il nous faut agir. Agir ici et maintenant ! C’est pourquoi je
vous appelle au courage de l’action. Une occasion unique nous est offerte de
rebâtir le Bénin sur des valeurs démocratiques, sur le travail bien fait, et la
prospérité véritablement partagée.
Béninoises, Béninois, cher (e)s compatriotes
Nous devons
relever ce pari ensemble. C'est pourquoi je n’accuse personne. Tout ce que nous
avons vécu fait partie des expériences parfois douloureuses de la vie. Mais
nous devons apprendre de nos erreurs pour avancer vers un avenir meilleur. Je
ne jette la pierre à personne. Nous sommes tous coupables de nos ignorances. Je
lance donc un appel à tous les Béninois et Béninoises, quel que soit leur bord
politique, leur religion, ou leur origine. Ce qui nous unit aujourd'hui est
plus fort que ce qui nous divise.
J’en appelle à
tous : opposition, mouvance, syndicat, société civile, jeunes et femmes de
villes et campagnes, laborieux travailleurs de nos contrées, têtes couronnées,
religieux, etc. Vous tous qui nourrissez
un amour profond pour le Bénin, le pays nous appelle ! Du Nord au Sud, de
l’Est à l’Ouest, mobilisons-nous pour offrir une chance unique à notre beau
pays le Bénin de prendre la place qui est la sienne dans le concert des nations
dans une marche résolue pour le développement inclusif dans la paix et la
cohésion sociale. Je vous convie à l’espérance. Je vous convie au courage de
l’action. Je nous convie au courage de prendre des décisions fortes capables de
relever notre tête.
Je propose à cet
effet que tous les enfants de ce pays se parlent. Je propose que le Bénin parle
au Bénin. J’en appelle à la responsabilité historique du Président de la
République, Monsieur Patrice TALON. En tant que Président de la République,
vous avez la charge d’écouter vos concitoyens qui parlent dans les maisons et
les chaumières. Vous avez le devoir, d’écouter le cri de cœur de votre peuple.
Il est encore temps pour bien faire.
Nous sommes liés
par le destin commun du Bénin. Dans quelques mois, le Bénin abordera un autre
tournant décisif de son histoire. Les élections présidentielles de 2021 sont
déjà à nos portes et il est impératif de régler certains préalables qui seront
gages de la stabilité du pays.
Il convient que la
question du code électoral soit mise sur la table. Certaines dispositions de
cette loi sont suffisamment chrysogènes. Les dispositions sur le parrainage des
candidatures ne sont pas de nature à faciliter une participation de tous aux
élections. Nous devons éviter d’aller dans ce sens, car les exclusions font le
lit aux violences. Nous engageons le Président de la République avec toute la
classe politique dans son ensemble, à lancer des consultations nécessaires pour
une relecture inclusive de la loi électorale.
Il est également
indispensable que la question de la liste électorale soit revisitée. Cette
liste en l’état, n’est pas gage de transparence. Cette liste doit être auditée
par un comité ad ‘hoc pour la rendre fiable et crédible.
Les institutions
au cœur du processus électoral à savoir la CENA et la Cour Constitutionnelle
ont suscité à travers les expériences électorales de 2019 et 2020, une crise de
confiance à cause de certaines de leurs décisions. Il urge de ramener la
confiance du peuple en ces institutions qui constituent le socle de notre
architecture démocratique.
Je propose à cet
effet, par une volonté politique forte, que des solutions consensuelles soient
trouvées. Pour ce qui concerne la CENA, la classe politique dans son ensemble
pourrait s’entendre pour mettre sur pied une CENA ad ‘hoc pour l’organisation
des prochaines élections présidentielles. De même, la Cour Constitutionnelle,
juridiction compétente en matière d’élections présidentielles, pourrait être
assistée exceptionnellement par les anciens Présidents de cette haute
juridiction pour ramener la confiance et assurer des élections présidentielles
apaisées en 2021.
Chers frères et sœurs d’ici et d’ailleurs,
Au-delà de nos
divergences partisanes, nous devons nous rassembler sur l’essentiel :
l’unité de notre pays et la légitimité de nos institutions. Je suis convaincu
que notre pays a la force et le génie d’avancer et de faire quelque chose de
plus grand. Les défis de la mondialisation, du changement climatique, du
numérique, de la sécurité attendent notre société. Nous ne pouvons y faire face
sans la paix. Et les élections inclusives, transparentes et crédibles sont
gages de paix et de stabilité pour une Nation.
Béninoises, Béninois,
Je voudrais finir
mon propos en vous assurant de notre capacité à transcender nos divergences.
Nous sommes capables de réussir ensemble et le Bénin peut
encore réussir. Le Bénin doit réussir. C’est notre combat à nous tous.
Je vous remercie ».